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[Podcast #30] Jean-Philippe Anglade, directeur de l’agence BiosPhoto

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Chaque photographe a dans un coin de sa tête un petit rêve. Un but qu’il garde bien pour lui, de peur, peut-être de se faire moquer. Allez, je vous dis le mien : quand j’ai commencé la photographie animalière, j’ai très vite voulu intégré une agence photo. Oh … pas n’importe laquelle ! BiosPhoto évidemment ! 🙂

J’avais même envoyé une photo à l’été 2007, je me souviens très bien. Un joli martin pêcheur. J’ai essuyé un refus, poli. Remarquez que ça ne m’a pas du tout empêché d’être le photographe pro d’aujourd’hui ! 🙂

Je suis certain qu’il y a aussi des lecteurs du blog qui aimeraient intégrer l’agence BiosPhoto. Cette interview est alors pour vous ! Le directeur de l’agence, Jean-Philippe Anglade, vous dit tout ! Et pour les autres, c’est à écouter, comme d’habitude, pour parfaire votre culture photographique. Et puis ça peut être aussi un excellent moyen de connaitre le véritable niveau de vos photos !

L’invité

Jean-Philippe Anglade est le directeur scientifique de l’agence BiosPhoto. Passionné de flore et de faune depuis son plus jeune âge, Jean-Philippe Anglade possède de nombreuses cordes à son arc. Il a par exemple travaillé dans l’œnologie.

Il est aussi l’un des vice-présidents de la Société Française d’Orchidophilie et il a écrit un livre de références sur les Orchidées Sauvages aux éditions Glénat.

Mais c’est en sa qualité de directeur scientifique de BiosPhoto, l’agence photo spécialisée dans la nature, l’environnement et le jardin, bien connue des photographes animaliers, que vous allez pouvoir l’écouter aujourd’hui.

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Au sommaire de ce 30ème épisode de « Interview de Photographes Nature »

Voici ce que vous apprendrez dans ce podcast avec le directeur de l’agence BiosPhoto, Jean-Philippe Anglade :

  • le parcours de Jean-Philippe Anglade
  • l’historique de l’agence BiosPhoto
  • les autres grandes agences photos connues dans le monde
  • à quoi sert une agence photo comme Bios Photo
  • quel est le rôle du directeur scientifique
  • en quoi l’arrivée du numérique a-t-elle changé le métier des agences photos
  • comment fonctionnent les micro-stocks
  • quelle est la différence entre les micro stocks et les agences photos
  • quel intérêt à un photographe à devenir membre d’une agence photo ?
  • les critères sur lesquels sont retenus les photographes chez BiosPhoto

Repères cités dans cet épisode

Vous avez aimé ?

Un grand merci à Jean-Philippe pour sa disponibilité, son partage de ses connaissances et de son expérience. Remerciez-le vous aussi sur Twitter en 1 clic en cliquant ici.

Si vous me donniez un coup de pouce pour faire connaître l’émission ? Il suffit de laisser un commentaire sur iTunes.

Grâce à ça, votre podcast préféré 😉 sera plus visible et pourra être plus facilement trouvé iTunes. Pour ça c’est très simple :

Transcription texte de l’interview

Régis Moscardini : Bonjour Jean-Philippe.

Jean-Philippe Anglade : Bonjour Régis.

Régis : Je te remercie vraiment d’avoir accepté de répondre à mes questions.

Jean-Philippe : Le plaisir est pour moi. C’est chouette.

Régis : Est-ce que tu peux te présenter s’il te plait, toi d’abord, puis on parlera de l’agence Biosphoto, te présenter et nous parler un peu de ton parcours, en quelques mots ?

Jean-Philippe : Oui, parce que ça risque effectivement d’être un petit peu long. Je m’appelle Jean-Philippe Anglade, 45 ans. Je travaille à Biosphoto depuis pas loin de 10 ans maintenant. Aujourd’hui je supervise un petit peu l’agence ici et une de mes fonctions, c’est responsable scientifique de l’agence.

En ce qui concerne mon parcours, il n’y a rien qui ne me dirigeait a priori vers la photo, vers les agences photo en particulier. Moi j’ai un parcours plutôt littéraire avec une solide formation sur le terrain naturaliste par contre. Ce qui m’a fait au final rentrer à Biosphoto. C’est plutôt le côté naturaliste que le côté photo qui m’a fait rentrer dans cette agence photo.

Régis : D’accord. Toi, ta formation initiale c’est plutôt dans le littéraire. Mais ton expérience de terrain et peut-être ta passion de la nature t’ont amené à intégrer l’agence Bios dans ce cadre-là.

Jean-Philippe : Absolument, c’est ça. L’intérêt également pour la photo évidemment. Mais j’ai eu diverses parties de ma vie, j’ai fait de l’œnologie, j’ai fait du vin, j’ai touché à pas mal de choses finalement avant d’arriver chez Biosphoto. Mais c’est mon côté naturaliste, mes connaissances naturalistes qui ont fait que j’ai pu intégrer cette agence il y a presque 10 ans maintenant.

Régis : Une petite question un petit peu perso : est-ce que tu crois que tu es arrivé un peu au bout de ton parcours ou tu penses que c’est une étape et que tu pourras faire tout à fait autre chose dans quelques années ?

Jean-Philippe : Non, je pense que ce n’est qu’une étape. Je me vois bien dans quelque chose toujours en relation avec la nature mais pas forcément avec la photo. Ça sera forcément en relation avec la nature, l’aspect documentaire, l’aspect naturaliste des choses. Là, je pense que ça sera une étape.

Régis : D’accord. Tu l’as dit, on insiste bien là-dessus, tu n’es pas un photographe qui aurait intégrer l’agence Bios en tant que photographe, ce n’est pas ça ?

Jean-Philippe : Non, je ne suis pas photographe. Je pratique la photographie évidemment, j’ai quand même appris à connaitre la technique mais au départ j’étais un photographe du dimanche comme tant d’autres. Maintenant je maitrise un peu plus évidemment, heureusement, mais le départ ce n’est pas vraiment la photo, c’est la nature.

Régis : D’accord. On va commencer à parler de l’agence Bios. Un petit historique, s’il te plait, de l’agence. Et la deuxième question : pourquoi cette agence-là a choisi le marché de la nature et de l’environnement ?

Jean-Philippe : Ok. Biosphoto ça a été créé en 1987 par Catherine Deulofeu, qui est malheureusement disparue tragiquement récemment, fondatrice de l’agence. Au début, c’est une petite structure, un regroupement d’amis, de photographes animés par la passion de la photo et la passion de la nature surtout.

Agence parisienne au départ, petit à petit, les choses ont pris un peu plus d’ampleur avec des collaborations avec des agences partenaires à l’étranger, avec les photographes qui se sont étoffés. Jusqu’à arriver aujourd’hui à plus de 100 photographes en direct, à plus de 2 millions d’images aussi sur notre site. C’est vrai que l’on a eu diverses péripéties. L’agence a été vendue par Catherine en 2012 à l’agence PhotononsStop, qui est un groupe d’agences photographiques indépendant, basé à Paris.

On est devenu l’entité scientifique et naturaliste de Photononstop à cette époque-là. Voilà en gros pour le parcours. Biosphoto c‘est la photo nature évidemment. Quand on parle de nature, c’est vraiment la nature au sens large. Toutes les questions environnementales également sont traitées. C’est aussi le jardin. Donc c’est la nature au sens assez large. Mais on reste une agence photographique de niche, c’est-à-dire qu’on ne fait pas autre chose que de la nature, de l’environnement et du jardin.

Régis : D’accord. Pour vraiment situer votre agence par rapport à d’autres, quelles sont les grandes agences photo connues dans le monde même pour ceux qui ne seraient pas photographes. On a des noms en tête. Est-ce que tu pourrais nous les donner s’il te plait ?

Jean-Philippe : Ça dépend si tu veux parler des agences photo généralistes

Régis : Oui, généralistes. Pour qu’on cible un petit peu le métier.

Jean-Philippe : Effectivement les grands fournisseurs photos aujourd’hui c’est des entreprises étrangères. C’est Getty Images, c’est Corbis.

Régis : Magnum ?

Jean-Philippe : Magnum, c’est un peu différent. Là on parle de quelque chose de moindre ampleur que les deux que je viens de citer. De plus en plus, c’est ce qu’on appelle les microstocks qui prennent leur part du gâteau, une part de plus en plus importante. Je veux parler de Shutterstock par exemple comme géant américain, Fotolia qui est une entité à la base française.

Ça c’est des nouveaux acteurs de la photo, de l’image, parce qu’il n’y a pas que de la photo, il y a aussi du film. Films qu’on fait aussi d’ailleurs, on a une partie vidéo. Là on parle de structures mondiales qui dégagent des centaines de millions de dollars de chiffre d’affaires.

Régis : Vous, vous êtes francophones, sur le marché francophone ?

Jean-Philippe : Non, on est sur le marché mondial, on vend dans le monde entier. On est une entité française, strictement française mais le marché est mondial. C’est-à-dire que nous on vend sur tous les marchés.

Régis : Vous avez des concurrents dans le monde ? Américains, Asiatiques peut-être ?

Jean-Philippe : Sur notre niche, on a des concurrents, on a à la fois des concurrents et des partenaires puisqu’on a beaucoup de partenaires, qui peuvent être concurrents par ailleurs. Nos principaux concurrents aujourd’hui, c’est les microstocks.

Régis : On va faire une bonne partie là-dessus tout à l’heure. Quel est le but clairement d’une agence photo comme la vôtre, comme Biosphoto ? Quel est le principe, le but et à quoi ça sert ?

Jean-Philippe : C’est une bonne question.

Régis : Ça aurait dû être la première question pour situer les choses.

Jean-Philippe : C’est une très bonne question car on peut légitimement se la poser. A quoi ça sert. Nous, agence naturaliste, ce qui compte c’est la photo, les photos, c’est ce que nous apportent les photographes. Qu’est-ce qu’on peut apporter de plus que ce que peuvent apporter les photographes seuls dans leur coin, c’est d’offrir une collection un peu exhaustive par exemple.

Les clients, ce dont ils ont besoin, quand ils viennent sur un site Internet pour commander des photos, c’est d’avoir accès à tout ce qu’ils désirent en termes de photos nature, de photos environnement, de photos de jardin. Si en rassemblant comme ça les photos issues de divers photographes, on arrive à avoir une exhaustivité très importante et déterminante pour les clients.

Régis : 2 millions de photos chez vous par exemple ?

Jean-Philippe : 2 millions de photos, sans compter sur les divers partenaires, donc les agences partenaires que nous avons à travers le monde, qui ont autant de photos que nous pour certaines et qui ont d’autres photos. Ça démultiplie encore le choix et les possibilités. En termes d’exhaustivité, on est quand même pas mal. On peut difficilement rivaliser dans le créneau de la photo nature avec ce que l’on peut proposer aujourd’hui.

Régis : Moi, concrètement je suis publicitaire, je veux faire une campagne de pub pour planter des salades par exemple, j’ai besoin de plusieurs images pour illustrer ma campagne de pub, je vais aller voir l’agence Bios et voir votre stock de photos dans ce qui me concerne moi, la salade par exemple, et vous acheter des photos ?

Jean-Philippe : Absolument. Non seulement on pourra consulter le site Internet, on pourra voir des salades puisque tu parles de salades mais on pourrait parler de concombres, de tomates ou de plein d’autres choses, mais non seulement on peut avoir des gestes de plantation, des gestes de traitement, des gestes de récolte, on peut avoir des variétés très précises, et surtout les clients peuvent nous demander à l’équipe d’iconographes, de recherchistes, des gens qui s’occupent de rechercher des photos, des gens qui ne savent pas trop ce qu’est une batavia, qu’est-ce qu’on peut planter comme salade en hiver par exemple, ils peuvent s’adresser à nous parce qu’il y aura des gens qui auront cette connaissance-là pour leur proposer les salades en question, les images qui correspondent à leur demande.

Régis : Vous devez avoir un gros travail en amont, c’est le mot anglais qui me vient à l’esprit, de tag. Vous allez mettre des mots-clés sur les photos de manière à pouvoir les retrouver très facilement.

Jean-Philippe : Absolument c’est un gros travail qui aujourd’hui est fait en grande partie de manière manuelle. Effectivement les photos, c’est aussi un gros travail qu’on demande aux photographes, dans les IPTC on doit renseigner le plus possible tout ce qui concerne ce qui est sur l’image, les espèces, les variétés, la période, la saison, tout ça.

Et nous aussi on rajoute des informations qui peuvent être utiles pour la clientèle parce que nous on est en contact avec la clientèle, on sait qu’ils ont besoin de telle ou telle chose. On étoffe la partie documentaire de l’image.

Régis : D’accord. Ça veut dire que les photographes, les photographes amateurs mêmes, ceux qui n’ont pas tout de suite à court terme l’envie ou le besoin de faire appel à vos services pour vous proposer leurs photos, ont plutôt intérêt à renseigner ces champs IPTC parce que ce sera fait ?

Jean-Philippe : Absolument. Ça sera déjà utile pour eux, et pour nous c’est indispensable. Nous, on ne prend pas de photos si on n’a pas des notions, si on ne sait pas de quelle espèce il s’agit, quelle espèce est représentée, qu’est-ce qui se passe. On peut de temps en temps avoir la connaissance de voir ce qui se passe.

Mais il y a plein de choses qui peuvent nous échapper, il peut y avoir des erreurs. Donc c’est un travail que l’on demande aux photographes aussi, la précision, jamais aller au-delà de ce qu’ils savent non plus, pour essayer d’être le plus précis et le plus juste possible dans ce qu’on propose aux clients.

Régis : D’accord. Je reviens à mon publicitaire. Je vous achète cinq photos de salades, une personne qui plante, une belle salade qui pousse ou de graines par exemple, quelque chose comme ça, je ne sais pas si tu pourras me dire les chiffres, peu importe. Je vous achète la photo 100. Qu’est-ce qui vous revient à vous, qu’est-ce qui revient au photographe, je pense que le photographe à qui appartient la photo est rétribué aussi ? Comment ça fonctionne ?

Jean-Philippe : Oui. On va dire de manière schématique les choses les plus communes dans le type de contrat qu’on propose, c’est que le prix de vente est partagé à 50% entre notre part et la part qui revient au photographe. On se partage la vente, 50% de chaque côté.

Régis : D’accord. Une question vraiment très juridique. La photo appartient à qui après, à moi, au publicitaire qui l’a achetée, elle reste au photographe ? Comment ça se passe ? C’est toujours un peu ambigu.

Jean-Philippe : C’est toujours un peu ambigu, mais clairement il faudrait rentrer dans l’aspect juridique lié à l’image, c’est intéressant mais ça nous mènerait peut-être un peu loin. Nous on vend essentiellement de la photo qu’on appelle de droit géré. C’est-à-dire que la photo de toute façon reste toujours la propriété de l’auteur, du photographe, quoi qu’il en soit. On vend des utilisations, des usages. Des usages qui sont précis, c’est-à-dire qu’on achète une photo pour un usage précis.

Régis : Il n’y a pas de cession de droit, c’est ça ?

Jean-Philippe : Il n’y a pas de cession de droit sauf autre forme juridique liée à l’image. C’est très exceptionnel. Il peut y avoir des choses un peu particulières. Il peut y avoir par contre des exclusivités. Les clients nous demandent à ce que l’image ne puisse pas être utilisée pendant une période donnée, ce qui donne droit d’ailleurs à une tarification particulière. Mais la photo reste toujours la propriété de l’auteur.

En nous confiant leurs photos, les photographes ne perdent pas l’usage, la propriété de leurs photos. Ils peuvent eux-mêmes en faire le commerce de leur côté, si ça n’empiète pas sur nos propres platebandes. Ils restent les propriétaires de leurs images.

Régis : Ça veut dire que pour un photographe, vous seriez un nouveau moyen pour le photographe de commercialiser ses photographies, en plus d’autres moyens que lui pourrait conserver ?

Jean-Philippe : Absolument. Ce qu’on offre, nous, c’est déjà une diffusion mondiale, ce qui n’est pas évident pour un auteur photographe seul dans son coin. Même s’il a des contacts dans la presse ou dans l’édition. On parle de photographes français mais on a aussi des auteurs issus de divers pays.

Il peut avoir divers contacts de son côté, mais nous on a un éventail qui est démultiplié évidemment avec nos contacts historiques. Ça fait presque 30 ans maintenant que Biosphoto existe, donc évidemment on a un portefeuille de clients qui est assez vaste, dans le monde entier.

Régis : Est-ce que pour un photographe, ça se met sur un CV d’être chez Biosphoto ? Est-ce que ça peut se mettre en avant par exemple ?

Jean-Philippe : J’espère bien ! Ça peut se mettre en avant. Biosphoto bénéficie d’une image valorisante. On est l’agence photo de nature, indépendante, même si on a été racheté par un groupe d’agences photographiques, de toute façon on reste une agence indépendante spécialisée et on est parmi les tout meilleurs dans le monde aujourd’hui. Sans faire jouer trop les violons. On reste quand même parmi les leaders de cette niche-là aujourd’hui dans le monde.

Régis : D’accord. Si c’est le cas, il faut le dire, il faut le rappeler. Un petit cocorico, ça ne fait pas de mal.

Jean-Philippe : Tout à fait.

Régis : On va attaquer pas forcément la partie la plus rigolote, très drôle parce que, un petit peu moins maintenant mais il y a quelques temps de ça, au début des années 2010 ça a fait pas mal le feu de l’actualité dans le monde de la photographie, on va parler des microstocks, ce qu’on appelle aussi des banques d’images.

Tu as dit qu’il y avait Fotolia, l’américain Shutterstock. Est-ce que tu peux nous rappeler ce concept-là pour ceux qui ne sauraient pas exactement en quoi ça consiste, s’il te plait ? En même temps, tu répondras à cette question-là : quelle est la différence entre vous et les microstocks ?

Jean-Philippe : En espérant ne pas être trop technique. Un microstock, ça n’a de micro que le nom. En général c’est des banques d’images. Nous aussi nous sommes une banque d’images. Ces banques d’images regroupent des dizaines de millions de photos pour certaines d’entre elles.

En gros leur fonctionnement c’est vendre des abonnements, c’est-à-dire que le client achète pour 100 euros de photos et il va avoir droit pendant une période donnée, 1 mois, 6 mois, il y a des choses à la carte, à un certain nombre d’images, en général beaucoup d’images. Par exemple pour 100 euros on peut avoir plein d’images par mois. Ce qui reviendra pour le client à parfois des images à quelques centimes d’euros ou quelques euros.

Régis : Ce qui est évidemment très peu cher, dérisoire, par rapport au tarif des photos que vous pouvez vendre. Comment arrivent-ils à des tarifs comme ceci ?

Jean-Philippe : C’est le volume tout simplement, c’est le volume de vente. Encore une fois ils ont des chiffres d’affaires qui sont très importants, ils ont une force de frappe qui est énorme, ce sont des sociétés cotées en bourse, ils ont des fonds gigantesques, ils ont un personnel forcément à l’unisson.

Ils arrivent à casser énormément les prix. Il faut s’imaginer que pour le photographe moyen, celui qui n’a pas un fond très important d’images, en ayant une vente à 1 euro ou à moins que ça, la part qui revient au photographe est minime. Donc il faut vendre énormément pour avoir quelque chose de conséquent au final.

Régis : Le volume concerne les microstocks. Les propriétaires, ceux qui gèrent ça, ils fonctionnent par le volume, par un grand volume. Mais finalement ce principe-là est identique pour le photographe qui devra vendre lui aussi beaucoup de photos, un énorme volume, pour pouvoir tirer un revenu conséquent. Sinon ce n’est pas grand-chose ?

Jean-Philippe : C’est clairement mathématique. C’est-à-dire que pour avoir un revenu par mois de 2.000 euros, sachant que le prix moyen d’une image c’est quelques centimes d’euros ou quelques euros, on fait le calcul assez rapidement. On voit le nombre d’images qu’il faut vendre par mois pour arriver à 2.000 euros de rétribution.

Régis : Bien sûr. Est-ce qu’on pourrait imaginer, sans parler de notion philosophique, que ça peut être un frein à la créativité ? Ce que je veux dire, pour vendre beaucoup de photos, il faut que les photos soient de type très commercial, qui plaisent à beaucoup de monde, qui ne soient pas sur un style artistique très précis, très déterminé. Est-ce que ce n’est pas finalement un frein à la créativité ?

Jean-Philippe : Effectivement c’est une question intéressante. Il est assez difficile de répondre. En sachant que nous parlons, nous Biosphoto, d’une agence d’illustration. C’est-à-dire évidemment que la valeur artistique de la photo nous importe, la qualité technique aussi.

Mais ce qui nous importe avant tout, c’est ce qu’elle illustre, c’est-à-dire ce que les clients vont pouvoir illustrer en achetant la photo. Donc on est vraiment dans la photo d’illustration. On a beaucoup d’images, de très belles images, qu’on aime beaucoup, qu’on défend, qu’on essaie de valoriser.

Mais c’est de la photo artistique et pour laquelle finalement il y a assez peu de débouchés dans l’illustration, c’est-à-dire dans la presse, dans l’édition. En l’occurrence les microstocks dont on parle, dont on vient de parler, ils sont sur le même créneau. Ils font de la photo d’illustration, c’est-à-dire que quand on veut illustrer un lion ou un chat par exemple, on veut un chat, on ne veut pas quelque chose qui soit dans l’évocation, ou on veut un comportement particulier, il faut que ce soit très descriptif.

Régis : Il faut qu’au premier coup d’œil, la personne qui va voir l’image puisse identifier cette image-là à un chat, pas à une belle photo.

Jean-Philippe : On peut avoir une photo extrêmement artistique avec des partis-pris artistiques forts. On appréciera nous en tant qu’amateurs de photos, on appréciera la photo. Mais après les débouchés commerciaux pour nous en tout cas, pour notre marché à nous, la photo d’illustration, ça va être compliqué.

Régis : D’accord.

Jean-Philippe : C’est une donnée qui est parfois difficile à faire passer aux auteurs qui sont attirés par le côté artistique, on peut les comprendre. C’est un autre domaine, c’est quelque chose plus axé sur les concours photo, mais ça n’aura pas forcément de débouchés dans la photo d’illustration.

Régis : D’accord. On continue un peu là-dessus. De quand datent l’apparition des microstocks ? C’est 2005, 2010 ? Avec Internet finalement ?

Jean-Philippe : C’est ça. En fait c’est la révolution numérique.

Régis : En quoi ça a modifié votre métier ?

Jean-Philippe : Ça a sérieusement modifié le métier. Ce qui a vraiment modifié le métier, c’est le passage au numérique.

Régis : D’abord c’est ça ?

Jean-Philippe : C’est le passage au numérique, Internet, l’accès facilité aux photos, tout le monde peut être photographe ou le prétendre avec un appareil photo. A partir de ces photos-là, les diffuser sur Internet et les rendre accessibles. Le numérique a permis un afflux gigantesque de photos, de plus ou moins bonne qualité, mais dans le lot il y a du bon évidemment.

Auparavant ce n’était pas possible. A l’époque des Ekta, évidemment l’accès aux photos était bien plus mal aisé. Donc c’est la révolution numérique, la numérisation qui a fait qu’on s’est retrouvé avec un flot de photos. Donc qui dit offre pléthorique dit des prix globalement qui baissent.

Régis : Bien sûr. C’est la loi de l’offre et de la demande.

Jean-Philippe : C’est un peu la loi de l’offre et de la demande et sur cet aspect-là, sur l’aspect numérique sont apparus ces fameux microstocks qui ont engrangé ces stocks de photos qui erraient comme ça sur la toile, qui ont engrangé des stocks incroyables de photos et qui ont pu développer une offre commerciale qui a finalement cassé les modèles antérieurs.

Régis : On parle de photos. Mais pour ces microstocks-là, on se demande pourquoi on les appelle microstocks, pour ces mégastocks c’est valable pour la photo, mais aussi pour les illustrations, pour les images.

Moi par exemple pour le site Internet auxoisnature, il m’arrive régulièrement d’acheter très peu cher des icones pour moins de 5 euros. J’imagine que ça a dû aussi révolutionner le marché des artistes qui travaillaient sur ce créneau de l’iconographie. Ça concerne plein de métiers.

Jean-Philippe : Quand on parle d’image, effectivement ça ne concerne pas que la photographie. Effectivement ça concerne l’illustration, la vidéo aussi, parce que certains de ces microstocks ont de gros département vidéo.

Effectivement c’est l’image au sens large qui est touchée par ce dont on vient de parler. Donc la révolution numérique et l’apparition de ces microstocks qui chamboulent encore sérieusement le marché et qui taille d’année en année sur le marché des agences dites traditionnelles comme la nôtre.

Régis : Un photographe qui aurait envie de vendre ses photos, de commercialiser ses photos, qu’est-ce que tu lui conseilles, de venir vers vous ou d’aller vers les microstocks ? Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour lui ? Un photographe amateur mais qui a déjà un bon stock, qui a un bon niveau, qui est prêt à sauter le pas.

Jean-Philippe : Tu comprends bien, et je pense que les auditeurs du blog comprendront bien, je ne vais pas défendre les microstocks.

Régis : Je pense que parmi ceux qui nous écoutent il y en a assez peu qui vont les défendre.

Jean-Philippe : Je pense aussi, j’espère. Globalement les microstocks ont assez mauvaise presse auprès des photographes mais malgré tout si les microstocks existent, c’est bien parce qu’il y a des photographes qui alimentent ces fonds-là. Je pense que ça peut être intéressant pour certains photographes d’être présents sur les microstocks, pour les gros studios, pour les gens qui produisent énormément.

Pour les autres, je pense qu’il ne faut pas espérer grand-chose avec les microstocks. Je ne dis pas qu’avec nous ce sera Byzance, évidemment. Nous on essaie de valoriser le métier le plus possible. On essaie de tirer les prix vers le haut même si c’est souvent le marché qui dicte sa loi, on a beaucoup de mal. On essaie d’apporter un plus documentaire aux photos, de constituer des sujets documentaires qu’on apporte clé en main aux auditeurs, à la presse. On essaie de valoriser les images des photographes.

Régis : Ce qui est très important, j’imagine, c’est le rapport humain. Je pense qu’il doit y avoir un vrai contact, peut-être pas de visu, mais un vrai contact humain entre le photographe et une personne qui travaille chez vous ?

Jean-Philippe : Absolument, on essaie de maintenir ce contact-là et c’est très important, le rapport avec l’auteur est très important. On a besoin d’avoir un retour des photographes, on a besoin d’avoir un feedback. Ils ont besoin aussi d’en avoir un de leur côté. C’est quelque chose sur lequel on essaie d’être vigilant. Mais on insiste beaucoup là-dessus, c’est très important.

Régis : Quels sont les critères sur lesquels vous vous basez pour retenir un photographe, pour retenir une candidature ? Vous allez chercher des photographes ou ce sont des candidatures spontanées ?

Jean-Philippe : Les deux. On va chercher des fois, on va draguer des photographes, ça nous arrive effectivement. On reçoit des candidatures spontanées. Ce qui fait le choix finalement, sachant que quand on a déjà 2 millions de photos, ce n’est pas la même chose que si on en avait 100.000, c’est-à-dire qu’on a déjà beaucoup de choses en termes d’illustration.

Donc ce qu’on cherche, c’est ce que l’on n’a pas, ce qui n’est pas déjà illustré par des photos qui sont présentes. On renouvelle aussi les thématiques qui marchent bien, évidemment on renouvelle le stock parce que les photos vieillissent aussi, même si une photo d’une quinzaine d’années, d’une vingtaine d’années peut fonctionner commercialement encore.

Mais globalement on essaie de trouver de l’inédit, on essaie d’être de plus en plus exhaustif. Donc tout ce que l’on n’a pas en termes d’espèces animales, en termes de comportement, en termes de paysages, en termes d’actualités liées à l’environnement par exemple, tout ça, ça va nous intéresser.

Régis : J’allais te demander justement, tu as commencé à y répondre, avec un tel nombre de photos, c’est peut-être difficile pour un photographe d’aller vers quelque chose que vous n’avez pas. Est-ce que concrètement tu pourrais nous dire, en ce moment il nous manque de l’illustration par rapport à ce thème-là ou ce thème-là ? Est-ce qu’il y a quelque chose de concret qui te vient en tête, là ?

Jean-Philippe : Il y a plein de choses qui me viennent en tête, ça se bouscule. Je vais peut-être commencer par des choses pour illustrer le fait que ça peut être compliqué pour un auteur qui nous soumet des très belles images parfois et qui se trouve confronter à un refus de notre part.

Il y a beaucoup de photographes nature qui s’intéressent aux oiseaux, qui font de la photo ornitho. Du coup on a énormément de photos ornitho. Même si quelqu’un arrive avec des photos de hérons cendrés magnifiques, le problème c’est qu’on en a déjà beaucoup.

Régis : Est-ce que des belles photos comme celles-ci auraient peut-être plus leur place dans un concours photo ou une exposition ?

Jean-Philippe : Absolument, c’est certain. Les très belles photos ont toujours leur place dans les concours photo, y compris celles sur des espèces très communes. Il y a toujours de quoi faire du neuf en termes de photos et de photos nature, même avec des choses que l’on peut voir devant sa porte, même avec des espèces ou des paysages communs. Pour le coup c’est le talent du photographe qui fait la différence.

Mais nous, en termes de photos d’illustration, sur des espèces extrêmement communes qui intéressent beaucoup de photographes, donc on reçoit énormément de photos sur ces espèces-là, sur ces comportements-là, donc le choix va être encore plus restrictif.

Régis : Un refus de votre part ne remet absolument pas en cause le niveau du photographe ?

Jean-Philippe : Absolument.

Régis : Que ce soit bien clair. C’est un refus d’abord par rapport à votre stock à vous plutôt que par rapport au niveau de la photo ?

Jean-Philippe : Absolument. C’est évident. C’est vrai que c’est toujours difficile de se voir de refuser les photos, sachant qu’objectivement ce sont des très bonnes photos, il n’y a rien à redire dessus mais ça ne sera pas juste de dire au photographe, on accepte vos photos mais on ne va pas les vendre, ou alors ce sera compliqué parce qu’il y a tellement de concurrents sur le fond que vous allez être noyé dans la masse.

De toute façon, une belle photo, une photo exceptionnelle y compris de héron cendré, je reviens sur notre héron, on la prendra. Mais pour revenir sur les thématiques qui nous intéressent et que l’on recherche aujourd’hui, on parle beaucoup du réchauffement climatique par exemple en cette année de la COP21, tout ce qui peut illustrer cet aspect-là, le réchauffement climatique, sachant que ce n’est pas facile à illustrer souvent en photo.

Il y a énormément d’aspects qui peuvent entrer dans ce cadre-là. Des photos qui illustrent cette thématique-là avec des photos avant-après sur des glaciers. Il faut avoir prévu le coup évidemment, avant la fonte. Des photos qui montrent des sécheresses, des dégradations environnementales liées au réchauffement climatique, ça va nous intéresser.

On est très intéressé aussi, on n’en a pas vraiment parlé parce qu’on fait de la nature sauvage, on fait aussi de la nature domestique, des animaux domestiques, et les animaux domestiques restent un marché en termes d’illustrations photographiques important, donc on est preneur de belles photos de petits chats, de chiens, de canetons tout mignons. Finalement il n’y a pas beaucoup de photographes qui sont sur ce créneau-là, qui font les choses de manière propre en tout cas en termes d’illustration.

Donc on est tout particulièrement intéressé parce ce genre de photos pour lequel il y a un marché.

Régis : Il ne faut pas prendre peur des millions de photos que vous avez, il y a encore des choses à faire, il y a encore des thèmes à explorer. L’histoire n’est pas finie ?

Jean-Philippe : Ce n’est jamais fini, ça ne sera jamais fini, c’est évident.

Régis : D’accord.

Jean-Philippe : Il y a énormément de choses et encore une fois il n’y a pas besoin d’aller à l’autre bout du monde pour faire des photos intéressantes.

Régis : C’est rassurant pour 90% des photographes qui nous écoutent parce qu’on ne part pas tous dans des contrées extraordinaires. Je voudrais parler un petit peu, s’il te plait, j’ai découvert ça en préparant l’interview, de votre partenariat avec Tara Expéditions. Je ne connaissais pas du tout Tara Expéditions.

J’ai découvert ça en surfant sur votre site. Est-ce que tu peux nous en parler un petit peu et pourquoi vous êtes partenaire de cette expédition-là ?

Jean-Philippe : C’est quelque chose qui nous tient particulièrement à cœur. Tara Expéditions, pour les auditeurs qui ne connaitraient pas, Tara au départ c’est un bateau, c’est un voilier qui a changé plusieurs fois de nom au cours de son existence mais il a appartenu à Jean-Louis Etienne, le fameux explorateur des pôles, qui a navigué sur ce bateau.

Donc c’est un bateau d’exploration qui a été racheté par Agnès B. et son mari et qui en a fait un bateau scientifique. Tara Expéditions avec une ONG qui s’appelle Tara Expéditions dont le but est de comprendre les océans, de comprendre le fonctionnement, de faire des inventaires naturalistes et biologiques des océans, et aussi de communiquer ces informations et ces connaissances au grand public, à la jeunesse en particulier.

Donc ils ont une action qu’on a trouvée extrêmement intéressante, des gens passionnés évidemment, avec énormément de retombées aussi en termes de recherches. Ce n’est pas de la poudre aux yeux, ils ont vraiment des objectifs et de vrais résultats dans leur action. Nous, nous associer à une entreprise, à une ONG comme Tara Expéditions, c’était une espèce de cohérence par rapport à ce que l’on propose, nous. On fait de l’illustration de nature, on est concerné, d’abord parce qu’on est tous des naturalistes, la plupart d’entre nous est concernée par les questions qui touchent à la nature.

Donc associer une entreprise qui vend des photos de nature comme Biosphoto à une ONG comme Tara Expéditions, ça me semblait couler de source. On en est assez fier.

Régis : Tout le monde est gagnant. J’invite nos auditeurs à aller sur le site. C’est oceans.taraexpeditions.org, je le mettrai en lien aussi en dessous de l’interview. Un site très bien fait, très complet, avec des belles photos, de belles illustrations et qui explique le comment du pourquoi de Tara Expéditions. C’est une belle aventure.

Jean-Philippe : Pour terminer avec ça, nous, on reverse une partie de notre chiffre d’affaires à Tara Expéditions pour financer, pour contribuer au financement de leurs actions. C’est comme ça qu’on participe à cette chouette aventure.

Régis : J’espère que des photographes qui hésitaient un petit peu à franchir le pas, peut-être par timidité ou parce qu’ils n’osaient pas trop, j’espère qu’après t’avoir écouté ils franchiront le pas et qu’ils enverront quelques-unes de leurs photos.

Jean-Philippe : Il ne faut pas hésiter. On n’en a pas parlé mais tout est indiqué sur la page d’accueil du site Internet pour nous soumettre un portfolio. Il y a toutes les recommandations. Tout est indiqué là-dessus. Il ne faut pas hésiter.

Régis : L’adresse du site, s’il te plait Jean-Philippe ?

Jean-Philippe : www.biosphoto.com

Régis : Merci beaucoup. A très bientôt.

Jean-Philippe : Merci Régis. A bientôt.

 

Cet article [Podcast #30] Jean-Philippe Anglade, directeur de l’agence BiosPhoto est apparu en premier sur Apprendre la photographie animalière.


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